Un bruit étouffé se fit
entendre. Un grelot sonna, un chapeau parut. C’était la poste d’Auray. Toujours
même homme, même cheval, même sac aux lettres. Il s’en allait tranquillement
vers Quiberon d’où il reviendra tantôt pour y retourner demain. C’est l’hôte du
rivage ; il le passe le matin, il le repasse le soir. Sa vie est de le parcourir ; lui seul
l’anime, il en fait l’épisode, j’allais presque dire la grâce.
Il s’arrête, nous lui
parlons deux minutes, il nous salue et il repart. Quel ensemble que celui-là !
Quel homme et quel cheval ! Quel tableau Xallot, sans doute, l’aurait
reproduit ; il n’y avait que Cervantès pour l’écrire.Après avoir passé sur de
grands quartiers de rocs qu’ont essayé d’aligner dans la mer, pour
raccourcir la route en coupant le fond
de la vie, nous arrivâmes enfin à Plouharnel.
Le village était
tranquille, les poules gloussaient dans les rues, et dans les jardins enclos de
murs, de pierres sèches, les orties sont poussées au milieu du carré d’avoine.
Comme nous étions devant
la maison de notre hôte, assis à prendre l’air, un vieux mentiant a passé. Il
était courbé, en guenilles, grouillant de vermine, rouge comme du vin, hérissé,
suant, la poitrine débraillée, la bouche baveuse…
Il s’arrête ; nous
lui parlons deux minutes, il nous salue et il repart.
Quel ensemble que
celui-là.
Gustave Flaubert, Maxime Du Camp.
Par les champs et par les grèves.